Monde numérique : Est-il bénéfique ou nuisible pour la société ?

Depuis 2022, la part de la population mondiale connectée dépasse 66 %, soit plus de cinq milliards d’individus. Les investissements dans l’intelligence artificielle ont triplé en cinq ans, atteignant 91 milliards de dollars en 2023, tandis que la fracture numérique persiste dans de nombreux territoires.

L’Organisation mondiale de la santé a reconnu l’addiction aux jeux vidéo comme une maladie, alors que certains pays investissent massivement dans la formation numérique pour favoriser l’inclusion. Les réseaux sociaux, quant à eux, affichent des taux d’engagement record, mais sont aussi pointés du doigt pour leurs effets sur la santé mentale et la cohésion sociale.

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Le monde numérique : mutation profonde ou simple évolution de la société ?

Impossible de faire comme si rien n’avait changé. Le monde numérique impose une transformation sans retour, qui dépasse la simple question d’outils ou de gadgets. C’est notre organisation collective tout entière qui se trouve bousculée, du travail aux loisirs, de l’éducation à la sphère privée. La Banque mondiale l’affirme : l’économie numérique pèse déjà 15,5 % du PIB mondial et ce poids ne cesse de croître. Les technologies ne sont pas neutres, elles sculptent nos relations, redistribuent les cartes du pouvoir et de l’accès.

Les géants de la Silicon Valley installent leurs standards sur chaque continent, créant de nouveaux codes. Pourtant, la France compte encore 11 millions de personnes en marge, isolées du numérique, rappelle la Fondation de France. Au Japon, la connexion omniprésente n’a pas empêché l’émergence d’un isolement social massif, preuve que la technologie ne garantit ni cohésion, ni lien. Les analyses de Serge Paugam, qui distingue filiation, participation élective, participation organique et citoyenneté, montrent combien le numérique chamboule la façon dont se tissent les liens sociaux : certains se renforcent, d’autres s’effritent. Investir dans la numérisation, c’est ouvrir des perspectives économiques, mais c’est aussi courir le risque d’élargir les fractures existantes.

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Voici quelques questions majeures qui traversent le débat :

  • Favorise-t-il l’inclusion ou accentue-t-il la fracture ?
  • Accroît-il la prospérité ou l’isolement ?
  • Permet-il aux pays émergents de rattraper les pays développés en matière d’accès à l’enseignement et à l’information ?

La société se retrouve prise dans une dynamique de redéfinition permanente de ses équilibres. Selon les contextes, la technologie ouvre des portes ou en ferme. Elle propulse certains vers de nouvelles opportunités et laisse d’autres au bord du chemin. Ni l’Europe ni la Silicon Valley n’ont la mainmise totale sur ces évolutions, tant le terrain est mouvant.

Surconsommation, inclusion, intelligence artificielle : quelles réalités derrière les promesses ?

Le monde numérique a vendu le rêve d’une société plus ouverte, plus accessible. L’accès à Internet via le smartphone s’est démocratisé à grande échelle. Le cloud, autrefois réservé aux grandes entreprises, équipe aujourd’hui des start-up et des PME dans le monde entier. Derrière cette façade, cependant, l’exclusion numérique persiste. En France, 11 millions de personnes restent à l’écart, incapables de profiter pleinement de la dématérialisation des services publics. Pour ces populations, chaque démarche en ligne devient un obstacle supplémentaire.

L’essor de l’intelligence artificielle et des mégadonnées a transformé notre rapport à l’information. Consentement, contrôle, transparence : ces notions deviennent floues à mesure que les algorithmes s’immiscent dans les choix quotidiens. Les biais algorithmiques ne relèvent pas de la fiction : discriminations raciales, sociales, de genre, tout cela se rejoue à grande échelle. Certains États, loin d’utiliser la technologie pour libérer, s’en servent pour surveiller, contrôler, verrouiller.

Amazon, Google, Microsoft : ces géants technologiques captent une immense partie de la valeur produite par le numérique, souvent dans l’ombre des utilisateurs. Données collectées à leur insu, fiscalité contestée, promesses ESG parfois creuses : ces entreprises cristallisent toutes les tensions du modèle. Même l’économie collaborative, souvent présentée comme une alternative solidaire, n’échappe pas aux logiques d’inégalité. Et le bilan environnemental du numérique, lui, s’alourdit au fil de la croissance des usages, soulevant des questions sur la soutenabilité du secteur.

Trois axes principaux illustrent ce tiraillement :

  • Inclusion numérique : progrès notables mais fractures persistantes.
  • Intelligence artificielle : source d’innovation mais génératrice de dérives.
  • Surconsommation : impact écologique croissant, pression sur les ressources.

Réseaux sociaux et santé mentale : comprendre les risques et les dérives

Les réseaux sociaux ont bouleversé l’espace public. Ils ont permis à des groupes marginalisés de s’exprimer, à des mouvements sociaux de se structurer. Mais l’envers du décor est moins reluisant. Propagation de désinformation, montée des discours de haine, exposition permanente à la pression du regard des autres : les plateformes déstabilisent le lien social plus qu’elles ne le renforcent.

L’isolement ne recule pas, bien au contraire. La Fondation de France pointe 11 millions de personnes en situation d’isolement dans le pays. Au Japon, la connexion généralisée n’a pas suffi à prévenir une explosion de la solitude. Les quatre liens décrits par Serge Paugam, filiation, participation élective, participation organique, citoyenneté, se distendent sous la poussée du numérique. Les plus connectés y trouvent un prolongement de leur vie sociale ; les plus fragiles, eux, restent sur le seuil.

Les algorithmes de recommandation, loin d’être neutres, accentuent la radicalisation et polarisent les échanges. Le débat public se morcelle, les positions extrêmes gagnent en visibilité, la modération peine à suivre. Pour les adolescents, la quête de validation et la confrontation aux standards numériques engendrent anxiété, troubles du sommeil, sentiment d’être en permanence jugés. Les réseaux sociaux influent sur l’image de soi, sur la façon de percevoir les autres et sur l’équilibre émotionnel de chacun.

Les principaux risques liés à ces usages se résument ainsi :

  • Expression citoyenne démultipliée mais soumise à de nouveaux risques de manipulation.
  • Isolement social renforcé, les plus vulnérables restant à l’écart de la dynamique numérique.
  • Santé mentale fragilisée, notamment chez les jeunes, confrontés à une pression constante.

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Quels bénéfices concrets le numérique apporte-t-il (et à qui) ?

Le numérique a transformé la donne pour des millions de personnes. Un smartphone ou un ordinateur suffit désormais à ouvrir la porte de l’information, de l’éducation et de la culture. Dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine, cette révolution a permis à des populations entières de franchir un cap technologique en quelques années. Le numérique contourne les obstacles là où l’État ou les infrastructures traditionnelles peinent à répondre aux besoins.

Pour les entreprises et les initiatives locales, le cloud a changé la donne. Là où créer un service ou toucher des clients à l’international relevait du parcours du combattant, il suffit désormais de quelques outils numériques pour se lancer. Les barrières à l’entrée s’effondrent, la circulation des idées accélère, la coopération se mondialise.

Dans le secteur de la santé, la réalité augmentée et l’intelligence artificielle ont permis des avancées spectaculaires. Des opérations chirurgicales assistées à distance, une recherche médicale accélérée, notamment lors de la pandémie de Covid-19,, des diagnostics plus rapides : le numérique a fait naître de nouveaux espoirs pour les patients comme pour les professionnels.

Ces évolutions se déclinent dans plusieurs domaines :

  • Éducation : accès élargi à la formation, apprentissage en ligne, ressources partagées.
  • Santé : téléconsultations, partage sécurisé des données médicales, outils d’aide au diagnostic.
  • Travail : mobilité accrue, flexibilité, nouveaux outils collaboratifs, ouverture vers de nouveaux marchés.

Impossible de réduire la transformation numérique à une simple tendance passagère. Elle reconfigure en profondeur les manières de travailler, d’apprendre et d’interagir. L’équilibre change, les lignes bougent, et la société toute entière doit apprendre à naviguer dans ce nouveau paysage. La question, désormais, n’est plus de savoir si le numérique est bénéfique ou nuisible, mais pour qui, comment, et à quel prix. Le débat ne fait que commencer.